
J 10 - "Je suis absente d'auprès de vous..."
Dernière mise à jour : 2 avr. 2020
Dans le Grand-Est la Pouponnière de Strasbourg a pris dur avec beaucoup de professionnels absents pour raison médicale et un afflux de petits enfants, il a fallu ouvrir en urgence deux unités d'accueil supplémentaires...
Psychologue à la pouponnière du Foyer de l'Enfance de STRASBOURG, je suis
absente, pour raisons médicales, en ces temps de confinement, des lieux de
vie que j'arpente pendant mon temps de travail, Je suis absente pour les
enfants que j'accompagne au fil de leur séjour, je suis absente pour les
équipes qui prennent soin des enfants qui nous sont confiés.
Leur maison, c'est leur lieu de vie, lieu sécurisant et sécurisé, lieu
d'attachement. Comment être présente dans l'absence: faire lien, être en lien,
montrer que même absente physiquement, je suis quand même présente pour eux.
Soutenir, écouter en distance, outre le travail « habituel », là est
l’essentiel, bien loin des Sachants et des Savoirs.
Avec les moyens du bord :
- Des partages de petites vidéos des premiers pas de celui-ci
- des partages de vidéos où je leur envoie, sur fond musical, un petit coucou
- des partages de vidéos d'autres qui vous adressent des petits messages
affectueux
- des coups de fils journaliers avec chacune des équipes : soutenir ceux qui
protègent l’enfant
- le maintien des réunions pluridisciplinaires
Reste encore tellement de choses à inventer…..
Aux dernières nouvelles, les enfants vont bien me dit-on et ça me rassure. Je
voudrai ici exprimer mes remerciements et tout mon respect envers ces
petites fourmis qui œuvrent pour le bien-être de ces tout-petits, sans faire
de vague, sans en faire étalage, sans faire de bruit.
De là où je suis, avec parfois ce sentiment de culpabilité de n'être pas au
"front", mon implication pourrait s'énoncer ainsi : Veiller à ne partir avec
les flammes de l'incendie au risque de s'y consumer, de s'y perdre, mais pour
recharger la source qui pourra l'éteindre. Être bien là au retour du vrai
printemps
Anonyme :
« C’était en Mars 2020……
Les rues étaient vides, les magasins fermés, les gens ne pouvaient plus
sortir.
Mais le printemps ne savait pas, et les fleurs ont commencé à fleurir, le
soleil brillait, les oiseaux chantaient, les hirondelles allaient bientôt
arriver, le ciel était bleu, le matin arrivait plutôt.
C'était en mars 2020 ...
Les jeunes devaient étudier en ligne, et trouver des occupations à la maison,
les gens ne pouvaient plus faire de shopping, ni aller chez le coiffeur.
Bientôt il n'y aurait plus de place dans les hôpitaux, et les gens
continuaient de tomber malades.
Mais le printemps ne savait pas, le temps d'aller au jardin arrivait, l'herbe
verdissait.
C'était en mars 2020 ...
Les gens ont été mis en confinement pour protéger les grands-parents, familles
et enfants. Plus de réunion ni repas, de fête en famille. La peur est devenue
réelle et les jours se ressemblaient.
Mais le printemps ne savait pas, les pommiers, cerisiers et autres ont fleuri,
les feuilles ont poussé.
Les gens ont commencé à lire, jouer en famille, apprendre une langue,
chantaient sur le balcon en invitant les voisins à faire de même, ils ont
appris une nouvelle langue, être solidaires et se sont concentrés sur d'autres
valeurs.
Les gens ont réalisé l’importance de la santé, la souffrance, de ce monde qui
s'était arrêté, de l’économie qui a dégringolé.
Mais le printemps ne savait pas. Les fleurs ont laissé leur place aux fruits,
les oiseaux ont fait leur nid, les hirondelles étaient arrivées.
Puis le jour de la libération est arrivé, les gens l'ont appris à la télé, le
virus avait perdu, les gens sont descendus dans la rue, chantaient,
pleuraient, embrassaient leurs voisins, sans masques ni gants.
Et c'est là que l'été est arrivé, parce que le printemps ne savait pas. Il a
continué à être là malgré tout, malgré le virus, la peur et la mort. Parce que
le printemps ne savait pas, il a appris aux gens le pouvoir de la vie."
